JEUX FONDÉS SUR DES « ACTIFS NUMÉRIQUES MONÉTISABLES » : LA FRANCE ADOPTE UN NOUVEAU CADRE RÉGLEMENTAIRE SOUS LA SUPERVISION DE L’AUTORITÉ NATIONALE DES JEUX
17 septembre 2024
Afin d’anticiper le développement croissant des jeux basés sur des actifs numériques tels que les crypto-monnaies, un nouveau cadre réglementaire entrera prochainement en vigueur en France, ouvrant une période expérimentale de trois ans pour les jeux fondés sur des actifs numériques monétisables.
Sous certaines conditions — qui seront détaillées dans des décrets à venir — la principale innovation du dispositif instauré par la loi visant à Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique (loi “SREN”) est d’exempter certaines catégories de jeux (par exemple les jeux fondés sur des actifs blockchain tels que les jetons non fongibles) du régime d’autorisation préalable de l’Autorité Nationale des Jeux, les soumettant uniquement à un système déclaratif.
QUELS JEUX SONT VISÉS PAR LE NOUVEAU RÉGIME ?
Une liste des jeux autorisés sur le marché français devrait être fixée par décret.
Mais la loi SREN précise d’ores et déjà que le nouveau régime s’applique aux jeux fondés sur des « actifs numériques monétisables », à condition de respecter certains critères.
Le texte de loi indique que les « actifs numériques monétisables » doivent être entendus comme des « éléments de jeu qui ne confèrent aux joueurs qu’un ou plusieurs droits liés au jeu, et qui peuvent être transférés, directement ou indirectement, à des tiers en échange d’une contrepartie » ; autrement dit, des éléments qui donnent au joueur un droit spécifique dans le jeu, et qui peuvent être transférés hors du jeu.
En outre, les jeux concernés doivent répondre aux conditions suivantes :
– être proposés sous forme de jeu en ligne,
– impliquer un sacrifice financier,
– reposer sur un mécanisme de hasard,
– avec une attente de gain, consistant en des objets numériques monétisables — à l’exclusion de tout gain monétaire.
QUELLE DIFFÉRENCE AVEC LES JEUX D’ARGENT ?
En droit français, quatre critères doivent être réunis pour qu’un jeu soit qualifié de jeu d’argent : (i) une offre au public, (ii) un sacrifice financier, (iii) l’existence d’un mécanisme de hasard, et (iv) l’espérance d’un gain monétaire.
C’est ce dernier critère — l’exclusion du gain en argent — qui permet de distinguer les jeux fondés sur des actifs numériques monétisables du régime juridique applicable aux jeux d’argent stricto sensu.

En d’autres termes, les jeux fondés sur des actifs numériques monétisables ne peuvent pas offrir la possibilité de gagner directement de l’argent, mais uniquement des « actifs numériques monétisables ». Par exception, sous réserve de conditions qui seront précisées par un décret à venir, des récompenses autres que des actifs numériques monétisables (par ex. crypto-actifs) pourront être attribuées – à l’exclusion de tout gain monétaire en devise réelle – à condition qu’elles soient uniquement accordées de manière accessoire.
Quel impact sur les loot boxes ?
Comme rappelé plus haut, les nouvelles règles ne s’appliquent qu’aux jeux incluant des actifs numériques monétisables qui peuvent être transférés hors du jeu. Par conséquent, les loot boxes en « boucle fermée », qui donnent lieu à une récompense non transférable ni monétisable hors du jeu, ne relèveraient ni de la catégorie des jeux d’argent, ni de celle des jeux fondés sur des actifs numériques monétisables, et échapperaient ainsi à la supervision de l’Autorité nationale des jeux.
À ce jour, selon l’Autorité nationale des jeux, les loot boxes ne sont pas soumises à la réglementation sur les jeux d’argent, tant que la récompense qu’elles offrent ne peut pas être monétisée en dehors du jeu.
Comment se préparer à l’expérimentation ?
Les opérateurs souhaitant participer à la phase expérimentale de trois ans à venir et proposer des jeux fondés sur des actifs numériques monétisables devront être en mesure de respecter un ensemble d’obligations spécifiques, qui seront placées sous le contrôle de l’Autorité nationale des jeux.
Les opérateurs régulés devront garantir l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ainsi que la protection des mineurs (mécanismes de vérification d’âge et avertissements relatifs aux restrictions d’âge sur l’interface).
Par ailleurs, la loi SREN prévoit de nombreuses obligations, dont certaines seront précisées par voie de décret, notamment :
- localisation et désignation d’un représentant dans l’Union européenne ;
- vérification de l’identité de l’utilisateur et obligations de prévention du risque d’addiction ;
- restrictions similaires à celles applicables aux jeux d’argent : interdiction de publicité à destination des mineurs, interdiction de l’achat des actifs proposés par le jeu, obligations de coopération dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, respect des droits des fédérations sportives, etc.
Les opérateurs qui ne respecteraient pas les nouvelles exigences s’exposeraient à diverses sanctions, telles qu’un avertissement, une suspension temporaire de leur activité, une interdiction temporaire ou définitive d’exploiter les jeux, ou une interdiction générale d’exercer dans ce secteur.
À quoi s’attendre dans les prochains mois ?
Les opérateurs désireux d’exploiter des jeux fondés sur des actifs numériques monétisables sur le marché français devront également rester attentifs à la publication, attendue d’ici fin 2024, d’une série de décrets précisant :
- les catégories de jeux autorisées dans le cadre de cette expérimentation ;
- les conditions dans lesquelles des récompenses autres que des objets numériques monétisables peuvent être attribuées de manière accessoire ;
- les informations que les opérateurs doivent déclarer à l’autorité française ;
- les modalités d’ouverture, de gestion et de clôture des comptes joueurs.